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Des associations contre la pratique de l'excision au Niger

Par Souleymane Anza, Panafrican News Agency, 12 January 2001

Niamey, Niger - L'excision a encore cours au Niger, en dépit des efforts fournis par les services de santé et des organisations qui luttent contre les pratiques traditionnelles néfastes à la santé, selon plusieurs enquêtes menées à l'intérieur du pays.

Une première enquête, menée en 1992 par le Comité nigérien sur les pratiques traditionnelles néfastes (CONIPRAT), complétée par une autre, en 1998, attestent que l'excision est bel et bien pratiquée dans ce pays, même si la tendance est à son abandon dans certaines zones.

L'excision, précise-t-on, consiste à couper tout ou une partie de l'organe génital externe de la femme. Le plus souvent elle consiste à l'ablation du clitoris de la femme en vue de réduire son désir sexuel et garantir en même temps la fidélité.

Selon l'enquête du CONIPRAT, trois principaux départements du Niger sont concernés par l'excision : Diffa, dans l'est du pays, Tillabéry, à l'ouest et au sein même de la Communauté urbaine de Niamey, la capitale, en particulier dans certains de ses villages le long du Fleuve Niger.

L'enquête révèle que la pratique est surtout observée chez les groupes ethniques comme les Peulh, les Gourmantché, les Djerma-Songhai, les Kurtey (un sous-groupe djerma-songhay), les Arabes, les Wogo (pêcheurs sur les bords du Lac Tchad, dans l'extrême est du Niger).

L'enquête a surtout démontré que le taux de fréquence de l'excision est le plus élevé chez les Peulh.

Plusieurs raisons sont invoquées, d'une région à une autre, pour justifier cette pratique.

Il y a, en premier lieu, l'islam, thèse cependant balayée d'un revers de main par plusieurs érudits qui estiment qu'il n'existe en vérité aucun texte consacrant cette tradition.

Dans certaines ethnies, l'excision est une forme de rite d'initiation pour les jeunes filles: une fille non excisée est sujette aux railleries de ses camarades d'âge et elle aura beaucoup de difficultés à se marier.

L'excision se justifie aussi comme une mesure de protection pour la femme. En effet on considère que l'ablation du clitoris, organe très sensible, permet de réduire l'hyper sexualité de la femme et de garantir la fidélité conjugale.

Chez les Arabes, outre les raisons religieuses, on estime que l'excision a pour fonction de rendre blancs les yeux de la femme et de transformer sa voix pour la rendre plus féminine Pour les médecins, l'excision a beaucoup de conséquences graves sur la santé de la femme: douleur vive, car l'opération est pratiquée au village sans anesthésie, l'hémorragie pouvant entraîner la mort, infections dues à l'usage du matériel non aseptisé, complications urinaires, fistules, frigidité, traumatisme psychologique, etc.

Le CONIPRAT, qui lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes, espère dans son combat, que les autorités nigériennes créeront des textes juridiques spécifiques interdisant l'excision.

Le comité, rappelle-t-on, avait organisé, en novembre 1999, une cérémonie symbolique à Téra, (180 km à l'ouest de Niamey) au cours de laquelle plusieurs exciseuses ont déposé les couteaux.

Lors de cette cérémonie, sept exciseuses ont mis fin publiquement à leur métier, hérité pour la plupart de leurs parents.

L'Hebdomadaire étatique, Sahel Dimanche, qui a couvert l'événement, cite une exciseuse en ces termes déclarant avoir hérité le métier de sa maman.

Ce sont les parents eux-mêmes qui nous présentent leurs enfants. On lave la fille et on nous l'amène. Moi je fais l'opération le plus souvent avec une lame. Quand la fille est blessée et quand elle perd du sang, on ne l'amène pas à l'hôpital. On utilise les épines d'acacia pour faire les sutures et calmer l'hémorragie. Les parents nous donnent 500 francs cfa ou bien des mesures de céréales, a-t-elle dit au journal.

Mais maintenant, a-t-elle poursuivi, tout est fini. Nous avons compris que tout cela est dangereux, et nous sommes là pour dire au monde entier qu'on ne va plus pratiquer ces choses-là.

Après la pose des couteaux, les exciseuses ont été initiées à la gestion d'activités commerciales individuelles et à des notions sur le système d'épargne et de crédit.

L'excision, souligne Sahel Dimanche, est un métier qui fournit plus ou moins à sa praticienne de quoi subvenir à certains besoins matériels.

En l'abandonnant, celle-ci perd de facto le bénéfice de cette activité, d'où la nécessité de se trouver un métier de substitution, une activité génératrice de revenus.