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Aucun Centre Pour Réhabiliter Les Jeunes Prostitués

Panafrican News Agency (Dakar), 13 February 2001

Nairobi, Kenya - Il est un peu plus de 19h00 et la nuit commence à tomber sur Nairobi, la capitale kenyane fort animée.

Agée de 10 ans à peine et très légèrement vêtue, une fillette erre autour d'un bar populaire dans ce quartier de Nairobi appelée le Moyen-Orient rempli de tous les types de criminels, agresseurs, voleurs à la tire et proxénètes.

Quelques minutes après, une voiture luxueuse se gare à côté d'elle et l'homme au volant qui est assez âgé pour être son père, ouvre une portière par laquelle s'engouffre la fillette.

La voiture disparaît dans ce quartier de la ville faiblement éclairé.

Pour les profanes, cela pourrait être un manège étrange. Mais, pour le citoyen ordinaire de Nairobi, il s'agit d'un spectacle banal dans la métropole et les principales autres villes au Kenya.

Bienvenue dans la prostitution infantile.

Presque partout où vous allez à Nairobi, dans une discothèque, un restaurant ou un bar, il est très probable que vous rencontriez ces jeunes filles, seules ou en groupe, se comportant de manière à suggestive.

Dans les discothèques, vous les trouverez en train de danser d'une manière avec des hommes coiffés de rastas, des touristes blancs ou des marins qui profitent de leur pauvreté pour les manipuler.

Quelque fois, ces clients ne sont même pas intéressés par le sexe. Ils souhaitent seulement faire des farces cruelles à ces jeunes filles en leur touchant de manière indécente leurs parties intimes en public.

A Mombasa, la porte de l'Océan Indien pour les Kenyans, ils pratiquent leur commerce même en plein jour.

A Kisumu, la troisième plus grande ville du Kenya sur la rive du lac Victoria, ces jeunes filles se pressent autour du port, le principal terminus de transport public, et bien sûr, dans les discothèques et les bars.

Leurs clients sont généralement les riches hommes d'affaires asiatiques qui dominent le commerce de détail et de gros.

Les chiffres exacts pour illustrer l'ampleur de la menace sociale au Kenya, sont difficiles à trouver.

Le département de l'enfance au ministère de l'Intérieur affirme que, selon les estimations, près d'un million d'enfants se prostituent dans le pays.

Ce chiffre augmente de jour en jour puisque les effets de la crise économique font des ravages au sein des populations marginalisées telles que les enfants de familles pauvres.

Mais, les observateurs se demandent comment un spectacle social aussi choquant peut-il se produire dans un pays comme le Kenya? S'agit-il du manque de volonté du gouvernement ou de son incapacité à régler la situation? Et qu'en-est-il des parents qui autorisent leurs enfants extrêmement vulnérables à traîner dans les rues?

La triste réalité est que le Kenya n'est pas le seul pays dans cette situation.

Un récent rapport du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) indique que "Des dizaines de millions d'enfants sont déjà sur le marché mondial du sexe, et chaque année, deux millions de filles entre 5 et 15 ans sont introduites dans le circuit".

Dans le Tiers monde, ajoute le rapport, la demande commerciale de jeunes filles pousse les enfants des régions rurales vers les villes, où l'industrie sexuelle les entraîne vers les pédophiles et les touristes aisés.

Le directeur des programmes régionaux du Réseau Africain pour la Prévention et la Protection contre les Sévices Sexuels sur les Enfants (ANPPCAN) à Nairobi, Wambui Njuguna, a attribué l'augmentation croissante de la prostitution au coût élevé de la vie.

Dans quelques cas, les enfants, y compris les garçons, doivent traîner dans les rues pour compléter les revenus de la famille. Les enfants seraient encouragés par leurs parents qui ne peuvent pas joindre les deux bouts.

A Kisumu, Mary Atieno, 9 ans, affirme qu'elle a quitté l'école primaire lorsque sa mère célibataire ne pouvait plus payer sa scolarité. Il y avait quatre ans de cela. Bien qu'elle ait pu contribuer à l'éducation de son jeune frère, la vie dans la rue n'a pas été une partie de plaisir.

"Il m'est arrivé parfois d'avoir été violée par des garçons dans la rue et dépossédée de l'argent gagné pendant la nuit", déclare Mary Atieno.

"Mais quand même un bon jour, vous pouvez tombez sur un riche asiatique qui vous donne jusqu'à 1.500 shillings (20 dollars américains) pour une passe", affirme-t-elle avec un sourire embarrassé.

Le rapport blâme également la discrimination sociale à l'égard des jeunes filles en matière d'éducation qui les poussent vers la prostitution.

Dans une telle situation, la nécessité de survivre dans un monde inhumain l'emporte sur les dangers de contracter le VIH/SIDA.

La plupart des prostitués à Nairobi semblent avoir été endurcies par le métier et leur réhabilitation sera difficile. Cependant, quelques unes souhaitent mener une vie décente et respectable.

Joyce Njeri, 12 ans, de Nairobi affirme que si elle trouve quelqu'un qui puisse la ramener à l'école, elle rendra grâce au Seigneur. "J'en ai ras-le-bol de ce travail déshumanisant", déclare t-elle.

Cependant, le problème est qu'il n'existe pas de centres pour la réhabilitation des jeunes prostitués au Kenya.

Les seules institutions du genre sont généralement réservées aux enfants des rues.

D'ores et déjà, alors que l'obscurité descend sur Nairobi, Joyce et ses amies retournent dans les rues à la recherche d'hommes qui leur jetteront des pièces après une passe.


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