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Documents divers: le travail au Rwanda

Par Jean Ruremeshar, RwandaNet, mars 2000

Ce dossier a été publié dans le numéro 36 (août-septembre 1998) de Rwanda Libération.

Très complet, il permet de se faire une idée assez précise du monde du travail rwandais.

Le dossier que nous proposons à nos lecteurs est sensible à plus d'un titre. Pour faciliter la lecture, nous le présentons en 3 éléments : le problème du travail au Rwanda en général - le travail des enfants mineurs et l'avis autorisé du Directeur du Travail au Ministère de la Fonction Publique et du Travail (MIFOTRA).

Quelles sont les conditions actuelles du travail et quelles perspectives pour l'agent de l'Etat? Et le travail de l'enfant, comment se présente-t-il? Que peut nous dire, au sujet de la politique du travail, le Directeur du Travail au Ministère de la Fonction Publique et du Travail (MIFOTRA)? Tel est l'objet de ce dossier.

La Rédaction de Rwanda Libération


  • Le problème en général
  • Le travail des enfants mineurs
  • Avis de l'autorité sur le marché du travail
  • Premier Séminaire National sur le Travail des Enfants au Rwanda

Le problème en général

"Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front". Pour le travailleur rwandais et particulièrement l'agent de l'Etat, la question est de savoir si le pain gagné est en proportion avec l'effort fourni. Il y a peu le pain gagné était assimilé au " sérum ", aujourd'hui, il est moins que cela c'est "urusenda"... L'homme n'est plus seul à travailler. Il y a bien longtemps que son épouse n'est plus femme au foyer. Et voilà son enfant qui, précocement, se lance sur le marché du travail à la recherche de ce maudit pain !

Ruzibiza est fonctionnaire au ministère du commerce et de l'industrie. Avec son diplôme des humanités (D6), il a le grade de Rédacteur Adjoint et touche autour de 17.000 Frw. Il habite le quartier de Kabeza et doit, pour se rendre en son lieu de travail, payer journellement 100 Frw pour le bus. Si on compte cinq jours par semaine et quatre semaines par mois, cela fait vingt jours pour lesquels il doit payer 2.000 Frw. Impossible de rentrer à midi pour se restaurer, il doit donc se rabattre à l'un des restaurants qu'on trouve un peu partout au centre-ville. La plus abordable facture est de 600 Frw le plat sans viande, non compris la boisson. A supposer que Ruzibiza se contente de ce plat végétarien et que pour toute boisson il prenne un verre d'eau, 20 repas par mois cela fait bien 12.000 Frw.

A Kabeza, une famille de 8 personnes comme c'est souvent le cas chez nous, ne saurait se loger pour moins de 15.000 Frw par mois.

La liste des dépenses mensuelles n'est pas encore close: il y a les frais de scolarité des enfants. Pour un seul enfant inscrit dans une école privée, il faudra compter 15.000 Frw de frais par trimestre, c'est-à-dire 5.000 Frw par mois.

On ne parle pas encore de soins médicaux. Une consultation au centre de santé revient à 150 Frw. Il faut y ajouter les examens de laboratoire et l'ordonnance médicale... Voilà le strict nécessaire.

Ne pas oublier que Ruzibiza est un mordu de la sainte mousse. Si sa soif peut être étanchée par une Primus quotidienne, il faut consentir 250 Frw journellement dans la plus modeste buvette. Jusque là il n'aura travaillé que pour son ventre. Pas de pagne de l'épouse, pas de culotte du petit qui va au primaire, pas une chemise pour l'aîné qui est au secondaire, pas une boîte de lait en poudre pour le cadet qui est encore au berceau... Et nourrir tout ce beau monde ! Le kilo de haricot revient à 180 Frw à Remera ; la pomme de terre à 120 Frw, la banane à 40 Frw, la patate douce à 41 Frw, la viande (mélange) à 600 Frw etc.

Dossiers au rancart et vive le travail au noir!

A côté de tout cela, les 17.000 Frw ne sauraient être autre chose que de l'argent de poche. Sa femme travaille évidemment, mais faute de qualification, elle ne peut espérer guère mieux. L'homme doit se battre pour pouvoir couvrir tous ces frais. Alors vive le travail au noir (les biraka). Et le travail de l'Etat stagne. Les dossiers sont traités au compte-gouttes... Il va sans dire que la situation de Ruzibiza est celle de la majorité de 18.201 Rwandais au service de l'administration étatique. Mais ce chiffre cité est celui d'avant l'assainissement de la fonction publique. Le nombre des agents de l'Etat ne devrait dépasser 9.310 d'après suivant les mesures de l'ajustement structurel (voir encadré: personnel de l'A.C.)

Cure d'amaigrissement pour la fonction publique

Le dégraissage de l'administration publique a débuté le 8/04/1998. A ce jour 2.096 agents ont été remerciés. Et comme indemnités de sortie, les " assainis " avaient droit à six mois de salaire pour les agents sous-statut et les sous-contrat ayant 25 ans de service.

Les autres agents sous-contrat n'ont eu qu'un seul mois de salaire. Il est vrai que 68 % d'agents de l'Etat n'ont pas de diplôme du secondaire et que dans certains services il y a des plantons et des secrétaires-dactylo en surnombre là où l'on utilise l'outil informatique et qu'il était donc temps de les éliminer. Les syndicalistes se demandent à juste titre pourquoi les avoir embauché si c'est pour les renvoyer plus tard. Existe-t-il une politique de recrutement des agents de l'Etat, pensée et planifiée?

En licenciant ces agents, l'Etat s'est tout de même voulu accommodant. C'est ainsi qu'il a pris un certain nombre de mesures d'encadrement. En partant, chaque agent recevait une fiche qu'il aurait à remplir et à retourner au MIFOTRA. En somme, il lui est proposé de se recycler dans un autre métier. L'assaini pourrait choisir trois métiers parmi les huit proposés et l'Etat se chargerait de l'y initier.

A ce jour, près de 400 fiches ont été retournées au MIFOTRA où la direction du travail se prépare à recycler un premier groupe de 347 ex-agents de la fonction publique. Si tout se passe comme prévu, ces anciens secrétaires, veilleurs, plantons, jardiniers se reconvertiront en couturiers, chauffeurs, coiffeurs ou secrétaires manipulant l'outil informatique et quelques-uns oeuvreront dans l'hôtellerie.

La Fonction Publique ne se propose pas seulement de les former à leurs nouveaux métiers mais aussi elle fera étudier les projets qu'il leur expliquera, fournira un petit fonds de démarrage et assurera le suivi durant une période de trois ans.

Une augmentation de salaire tant attendu!

A-t-on résolu pour autant les problèmes de l'administration et des piètres fonctionnaires ? Il faut remarquer que de toutes les mesures visant à donner à la fonction publique un nouveau visage, seule celle de licencier les agents de l'Etat a été menée jusqu'à son terme. L'augmentation de salaires doit attendre le mois de janvier de l'année prochaine.

Le premier mai dernier, quand le Vice-Président de la République annongçait la hausse des salaires des agents de l'Etat, beaucoup se sont pris à rêver. Mais on oubliait vite la pauvreté de notre pays si bien que l'annonce de 25 % d'augmentation a surpris plus d'un. Il serait alors prudent de ne pas encore fonder trop d'espoir sur la perpective d'avantages sociaux qui accompagneront désormais les salaires. Il est vrai que la Fonction Publique prévoit de payer les indemnités de transport et de logement. Il est prévu également d'assurer des soins médicaux aux travailleurs.On pense, à cet effet, de créer une mutuelle de la santé ou un système d'assurance-maladie. Faisons remarquer que la première assurance-maladie de l'Hôpital Roi Fayaçal fixée à 10US$ par mois n'est pas à la portée des salaires moyens.

Trouver des solutions en amont et en aval

Améliorer la situation des travailleurs doit faire partie d'un vaste plan concerté, pensé, planifié et des mesures ponctuelles pour colmater les brèches. La première mesure consisterait à renouveler le cadre légal qui doit régir le travail au Rwanda. Il est difficile de comprendre que quatre ans après la libération nous soyons encore régis par les lois de la " révolution sociale ", vieilles et totalement décalées par rapport à la réalité. Les agents de l'Etat sont régis par le code du travail du 28/02/1967 ; par le décret-loi présidentiel du 19/06/1974, instituant le statut général des agents de l'Etat et par le statut des établissements publics de 1975. Les sous-contrat le sont par l'arrêté présidentiel n°218/09 du 2/12/1978. Il est donc temps que ces législations soient mises à jour. Dans cet ordre d'idée, il faudrait fixer, une bonne fois pour toutes, le salaire minimum interprofessionnel garanti (S.M.I.G) par catégorie de travailleurs. Etant donné que nous avons l'avantage d'avoir une monnaie plus ou moins stable, on peut imaginer un modèle d'un SMIG standard mensuel. Le calcul montre que ce SMIG devrait être de 51.000 Frw (voir encadré: dépenses minimales).

Ce salaire minimal est à comparer avec le salaire optimum, indexé au coût de la vie d'un agent de l'Etat (voir encadré : salaire optimum).

La grande question demeure: où trouver cet argent? C'est ici que le gouvernement doit agir en amont. D'abord viser les équilibres macro-économiques et faire augmenter la production vivrière. Cela suppose un encadrement serré des 94 % de la population qui s'occupe de la production agricole en leur facilitant l'accès aux intrants de production, en vulgarisant les meilleures méthodes de production, en faisant la promotion des associations coopératives de productions et de commercialisation des productions à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Ainsi nous inonderons notre marché intérieur en produits de première nécessité. Sur le plan extérieur, on allégera les taxes à l'exportation pour ne plus avoir cet embargo que nous semblons avoir pris contre notre propre pays en faisant fuir les importateurs par une taxation inadaptée.

En même temps qu'on aura pris des mesures suffisantes pour renflouer nos caisses et pour baisser le coût de la vie, il faudra alors penser sérieusement à diminuer le train de vie du gouvernement. Réduire les postes ministérielles; supprimer les services parallèles dans les ministères ; supprimer ou réduire les rôles de certains services budgétivores; revoir les frais de mission et les réduire au strict minimum; supprimer certains postes d'ambassades; fermer certaines ambassades où la représentation du pays n'est pas strictement nécessaire; réduire le nombre de véhicules de fonction et le quota en caburant etc.

Comme on peut le constater, redonner le sourire au fonctionnaire, c'est tout un programme.


Le travail des enfants mineurs

En toute vérité, le travail de l'enfant ou son exploitation, devrait concerner tout Rwandais puisque dans chaque foyer du Rwanda soit il y a un enfant qui travaille soit il y a un enfant de cette famille qui travaille ailleurs. Mais il convient de ne pas faire d'amalgame entre l'exploitation et le travail d'initiation à la vie sociale de l'enfant. L'enfant qui, de retour de l'école, fait la vaisselle, prépare le repas du soir ou va puiser de l'eau ou chercher du bois de chauffe; la fillette qui, le matin avant d'aller à l'école, balaye la cour ou prépare la bouillie de ses jeunes frères; l'enfant qui durant les vacances scolaires, aide ses parents au champ... Cela fait partie de son initiation à la vie et n'a rien de l'exploitation que nous déplorons.

Le travail qui exploite l'enfant, est celui qui l'empêche d'aller à l'école

Un enfant exploité, c'est celui qui a moins de 18 ans et qui, pour une rémunération souvent médiocre, fournit un travail au-dessus de ses forces et de ses capacités et qui l'empêche d'aller à l'école.

Cette situation n'est pas propre au Rwanda. C'est plutôt un fléau planétaire, surtout dans les parties les plus pauvres du globe, mais aussi dans les pays développés, comme les USA, le Canada etc. On trouve des enfants qui travaillent dans les fours à briques, dans des fabriques de tapis ; dans des usines à conserves sur les lieux de pêches. Et ce qui par-dessus le marché choque la conscience se sont les enfants prostitués qu'on trouve dans le monde entier et spécialement en Thaïlande où s'est développée une véritable industrie qu'on appelle " le tourisme sexuel " qui fait les délices de nombreux Américains et Européens ; il y a aussi un peu partout des enfants soldats.

En Afrique, cette situation concerne selon le B.I.T., 80 millions d'enfants. Ils seront 100 millions à l'an 2015.

Au Rwanda, il n'y a pas encore à ce jour des statistiques sur l'exploitation de l'enfant. Le gouvernement a en chantier un vaste projet pour faire toute la lumière sur cette situation.

Des situations intolérables

Mais on n'a pas besoin d'étude officielle pour connaître la grave situation des enfants exploités. Il suffit de sortir de chez soi et d'ouvrir les yeux.

A Musha, en commune Gikoro, préfecture de Kigali rural, sur la route Kigali-Rwamagana (Kibungo), 40 enfants dont l'âge varie entre 5 et 15 ans ont comme travail de griller du maïs et d'en proposer aux voyageurs. A chaque arrêt de taxi, ils doivent traverser la chaussée au pas de course pour supplier les voyageurs de leur acheter ce maïs. Ils sont soumis aux intempéries, aux nombreux risques d'accident sans parler des railleries de ces passants. Combien gagnent-ils ? 200 Frw par jour (1US$=300 Frw).

A Remera, 12 enfants de 6 à 16 ans travaillent dans un moulin sept jours sur sept de 7h00 à 19h00 pour 300 à 500 Frw par jour.

Au centre-ville Kigali, où circulent librement plus de 4.000 Mayibobo (enfants de la rue), qui n'a pas encore surchargé un petit garçon avec un lourd colis a transporter d'un point quelconque de la ville jusqu'à l'arrêt du bus le plus proche ? Ces petits transporteurs s'échinent ainsi dans la bagatelle de 300 à 500 Frw par jour.

Concernant les travaux domestiques, toutes les familles emploient un boy ou une bonne. On connaît une famille de Kacyiru (quartier de Kigali) qui emploient une bonne de 14 ans. Elle se lève chaque jour à 5 heures du matin et se met à l'ouvrage jusqu''à 21h00. A la fin du mois, elle touche un salaire de 1500 Frw. Elle travaille pour aider sa famille et dépense 600 Frw de transport pour un aller-retour jusque chez elle.

Dans un autre quartier de la ville, à Nyamirambo, une vieille maman a à son service quelques jeunes filles âgées de 13 à 16 ans, qu'elle propose aux patrons en grosses cylindrées. Sa maison est aménagée en hôtel de passe et ces enfants se prostituent pour le compte de cette dame. Beaucoup de ces enfants sont orphelins. Ils sont au service de leurs parents adoptifs qui les ont adoptés en toute légalité.

Ce ne sont là que quelques cas parmi beaucoup d'autres. Les types de travaux que font les enfants sont presque les mêmes : il s'agit des travaux de ménage, des travaux agricoles, le gardiennage du bétail et des véhicules, les travaux artisanaux ou industriels, la prostitution et le service militaire.

Pauvreté et irresponsabilité des parents sont les principales causes de l'exploitation des enfants

Partout où l'enfant travaille, il se révèle être un main-d'oeuvre bon marché, mais aussi et surtout, faciles à manier et à exploiter. Les raisons de cette exploitation au Rwanda sont principalement les suivantes:

  • manque d'encadrement familial et/ou social
  • pauvreté des parents et du pays
  • ignorance des parents
  • conséquences négatives du génocide et des massacres de 1994 obligeant certains enfants à survivre par tous les moyens
  • caprices de certains enfants qui cherchent leurs propres moyens de survie pour leur sécurité économique et psychologique
  • destruction du tissu social et abandon progressif des valeurs traditionnelles au profit de certaines idées omportées et avalées aveuglement

En vue de la lutte contre cette exploitation, il n'y a malheureusement que peu d'instruments juridiques. Il existe une convention internationale de l'enfant n° 138 signé en 1919 qui en son article 3 fixe l'âge légal de travail à 18 ans. Mais elle ne fixe pas de mesures pour protéger l'enfant de l'exploitation. C'est seulement au mois de juin 1997 qu'ont débuté les discussions en vue d'éradiquer les travaux épuisants ou dégradants pour l'enfant. Ces concertations auxquelles prend part notre pays aboutiront à des conclusions, au mois de juin 1999 à soumettre aux pays membres de l'ONU pour accord. Ces futurs accords concerneront la prostitution, le travail dans les usines et les mines, la vente de la drogue.

Au Rwanda, la loi est plutôt claire sur ce sujet. La convention 138 a été ratifiée. Il est donc théoriquement interdit de faire travailler un enfant qui n'a pas encore 18 ans. Mais une autre disposition ajoute que sur autorisation du ministre un enfant de 14 ans peut être embauché s'il est établi qu'il n'a pas d'autres moyens de vivre.

Toujours dans l'optique de chercher les voies et moyens afin de mettre fin à cette situation d'exploitation intolérable, il s'est tenu, du 30 au 31 octobre 1997 à Kabusunzu, le premier séminaire national sur le travail des enfants. Ce séminaire organisé par le Ministère de la Fonctionn Publique et du Travail s'est fait en collaboration avec l'UNICEF. Ces assises avaient réuni 44 personnes oeuvrant dans les milieux syndicaux, des responsables du ministère, des délégués des ONG, de l'administration territoriale et de la presse. Les participants ont fait un certain nombre de recommandations dont l'essentiel tournait autour du soutien, de l'amélioration de l'enseignement (voir encadré).

Le travail de l'enfant est un véritable cas de conscience. Nous avons tout intérêt à nous mobiliser tous pour y mettre fin.


Avis de l'autorité sur le marché du travail

Nous avons voulu savoir la position de l'autorité sur la situation du travail au Rwanda et les changements qui sont entrain de s'opérer dans ce domaine. Nous vous livrons l'entretien que nous a accordé M. RUKATSI RWAKA Thomas, Directeur du Travail au Ministère de la Fonction Publique et du Travail.

Propos recueillis par Jean RUREMESHA

Rwanda Libération (R.L) : La législation du travail est vieille de 31 ans. Qu'est-ce que le gouvernement attend pour la réactualiser?

Rukatsi Rwaka Thomas (R.R.T.) : Il est vrai que la loi qui régit l'emploi est ancienne. Mais depuis 1993, il y a eu toute une série de concertations entre les représentants des employeurs, les délégués syndicaux et le gouvernement. Après les événements de 1994, ces contacts ont repris. Nous avons tenu des réunions en vue de revoir cette législation. Vous savez qu'il n'est pas facile de tout changer du jour au lendemain. Cela ne peut aller que progressivement.

C'est ainsi que de nos concertations sont sorties quelques avancées significatives. Par exemple la semaine de 40 heures et pour ne pas faire du tort aux employeurs nous avons décidé de ramener les jours de congé de 15 à 9. A ce jour, je puis vous affirmer que la nouvelle législation est enfin prête. Nous avons passé toute une semaine pour examiner, point par point, les nouvelles dispositions de ce texte. Le texte final est maintenant sur la table du gouvernement et n'attend que son adoption.

R.L.: Pourquoi se débarrasser des agents de l'Etat maintenant?

R.R.T.: L'objectif du gouvernement n'est pas une simple diminution des effectifs de la fonction publique. Il est plutôt d'avoir une fonction publique compétitive. 68% des agents de la fonction publique n'ont pas de diplôme du secondaire.

Pire, il y a des travailleurs qui n'ont pratiquement rien à faire. Nous avions des secrétaires-dactylo dans les services où l'on utilisait que le traitement de texte sur ordinateur ; deux plantons pour nettoyer le même palier. Il était donc temps de mettre de l'ordre à la fonction publique.

R.L. : Et au demeurant, quelle est la situation du chômage dans notre pays?

R.R.T.: Le problème préoccupant n'est pas celui du chômage mais plutôt du sous-emploi. Les jeunes gens sans qualification qui traînent en ville " Chez Rubangura " et ailleurs, quand on les voit on pense qu'ils sont à la recherche de l'emploi. Il n'en est rien. En réalité, le problème que nous avons, ce sont des personnes formées à l'extérieur et qui ne trouvent pas d'emploi parce que leur qualification n'est pas valorisée dans notre pays. Une personne comme celle-là est obligée d'occuper un poste qui ne correspond pas à sa formation. Nous avons encore des individus formés dont on a besoin dans l'administration publique mais qui au lieu de venir se faire embaucher dans les ministères, cherchent à se faire caser dans les ONG. Et tant qu'ils n'ont pas encore un poste dans une ONG rêvée, ils s'appelleront chômeurs. Il y a aussi les agriculteurs qui, au lieu de s'occuper de leurs champs toute la journée, cessent de cultiver à 10h00 pour venir déambuler en ville. Quand on les voit, on les prend pour des chômeurs.

Il y a un autre problème: les Rwandais ne passent plus par le ministère pour chercher un emploi. Aujourd'hui avec le libéralisme qui a été adopté et aussi parce que dans le temps cela s'accompagnait de l'ethnisme et de régionalisme, dans l'octroi des postes, le candidat cherche l'emploi là où il peut le trouver et son employeur nous informe dès qu'il a déjà embauché. Je profite de cette interview pour lancer un appel à tous les demandeurs d'emploi afin qu'ils viennent se faire inscrire au ministère, cela ne les empêchera pas de mener des démarches personnelles mais de notre côté, nous l'aurons sur notre liste et dès qu'il y a un poste vacant correspondant à sa qualification, nous l'en informerons.

R.L.: L'Etat doit-il rester le plus gros employeur? Ne faudrait-il pas promouvoir par tous les moyens l'emploi dans le secteur privé?

R.R.T.: Pour que le secteur privé puisse embaucher en grand nombre, il faut beaucoup d'investissements. Raison pour laquelle dans le programme du gouvernement, on tend à diminuer le taux d'imposition et de taxes et on a élaboré une loi pour promouvoir les d'investissements afin que les nationaux et les étrangers puissent investir aisément au Rwanda et créent ainsi les emplois. Un exemple : j'ai appris qu'il y a eu dernièrement fusion entre Rwanda Motor et une société kenyane avec possibilité de création de 200 emplois. C'est une nouvelle qui me réjouit.

Dans cette optique, nous tentons de promouvoir le secteur informel et l'artisanat. Nous avons en vue le recyclage de nos artisans pour qu'ils produisent des oeuvres compétitives capables de concurencer celles qui viennent de l'extérieur. Ainsi pourront-ils développer leurs ateliers et créer des emplois.

Que les Rwandais sachent que le secteur générateur d'emplois pour demain, ce sont les petites et moyennes entreprises (PME) et il faut, pour atteindre cet objectif, qu'ils aient accès au crédit et que leur capacité entrepreneuriale soit renforcée.


Premier Séminaire National sur le Travail des Enfants au Rwanda: recommandations

A l'issue du Premier Séminaire National sur le Travail des Enfants au Rwanda, les participants ont recommandé :

1.Qu'une action de sensibilisation à grande échelle soit menée ;

2.Que dans cette action de sensibilisation, tous les Ministères concernés par la protection de l'enfant soient mobilisés et se concertent;

3.Qu'il y ait création d'un fonds de soutien à l'enseignement qui permettrait de supprimer les frais de scolarité au primaire et les réduire au secondaire;

4.Qu'il soit fait une planification de l'enseignement qui insisterait sur l'amélioration de la carte scolaire;

5.Que tout soit mis en oeuvre pour l'amélioration de la qualité de l'enseignement;

6.Qu'une révision de la législation relative au travail des enfants dans le cadre de la réforme du code du travail soit faite;

7.Que la Journée de l'Enfant Africain pour l'année 1998 soit une journée de sensibilisation sur le travail des enfants;

8.Qu'il soit créé un comité national de coordination de tous les intervenants dans le secteur de l'enfance;

9.Qu'il soit créé un comité de suivi chargé de la mise en oeuvre de ces recommandations.

Il comprendrait:

  • Le gouvernement
  • L'UNICEF
  • Les ONG
  • Les employeurs
  • Les travailleurs
  • La société civile