Crise historique à la CGT

france2.fr, 2 October 2005

La CGT traverse une crise interne sans précédent déclenchée par la Constitution européenne

Après le rejet par le comité confédéral national (CNN) du projet de traité, soumis en juin à référendum, contre l'avis du secrétaire général Bernard Thibault, c'est la toute structure CGT qui se trouve sur la sellette.

Le conflit entre la direction, élue par la base des syndicats lors du Congrès, et les cadres du CNN est désormais ouvert.

Reste aujourd'hui à savoir qui des deux camps peut s'exprimer au nom de la confédération. Pour la numéro 2 de la CGT, Maryse Dumas, il faut bâtir des règles qui respectent l'opinion des adhérents les plus nombreux.

Sur la question européenne et le rapport au politique, la direction de la CGT essuie là un échec majeur face à des organisations qui associent revendications sociales et contestation d'une Europe sous hégémonie libérale.

Le débat n'a intéressé qu'une infime partie des adhérents, la frange la plus politisée. 95% d'entre eux n'y ont pas participé, constate Bernard Thibault. Ce qui ressort peu à peu, c'est l'opposition entre le secteur public, très mobilisé, et le privé, plutôt indifférent à l'enjeu.

Dans un climat de grogne sociale basée sur le refus des délocalisations, la défense des services publics et des 35 heures, soutenir la Constitution européenne s'avère être un exercice délicat pour les organisations syndicales.

Bernard Thibault va se trouver dans une position inconfortable lors de la manifestation européenne des syndicats, le 19 mars. Difficile en effet pour la CGT, désormais étiquetée dans le camp du non, d'assurer une participation sans accroc à cette manifestation où seront présents une majorité de syndicats européens partisans du traité. Publié le 10/02 à 20:23 Bernard Thibault fragilisé

En recommandant de rejeter la Constitution européenne, le comité confédéral national (CNN) de la CGT, parlement du syndicat composé de tous les responsables départementaux et de branches professionnelle, a ravivé une fracture entre la direction du syndicat et les salariés qu'il représente.

La ligne moins contatestataire que tente d'imposer Bernard Thibault depuis son élection, en 1999, à la tête du syndicat, se trouve à travers ce désaveu, fortement remise en question. La crise actuelle dépasse assez largement le cadre de la seule question européenne. Ce sont tous les statuts de la CGT qui tremblent sur leurs fondations, reconnaît un membre du syndicat.

Reconnaissant que son organisation n'avait pas bien préparé le rendez-vous sur le débat européen, M. Thibault a appelé à un renouvellement des méthodes et pratiques de son syndicat à tous les niveaux de l'organisation.

Le travail préparatoire pour engager ce débat avec les syndiqués aurait nécessité un autre niveau d'engagement de la direction confédérale, a-t-il reconnu, se livrant pour la première fois à une autocritique.

Le leader de la CGT a rappelé que son syndicat ne donnait pas de consigne de vote pour le référendum national sur le projet de Constitution européenne. Il a refusé de dire ce qu'il voterait lui-même, de manière à ne pas instrumentaliser (sa) position personnelle dans un débat plus large.

Notre appréciation syndicale ne doit pas être mise au service de quelque parti ou stratégie politique que ce soit, a insisté le secrétaire général qui a tenté de minimiser l'impact de la crise, en jugeant que les soubresauts de ces derniers jours rendaient nécessaire d'amplifier les évolutions de la CGT.

Quant au contenu du traité, M. Thibault a relevé certaines avancées, en particulier sur les droits sociaux fondamentaux, mais, a-t-il ajouté, le texte fait une part très importante aux politiques libérales en Europe, il y a un risque important de régression sociale.

C'est la raison principale pour laquelle ce traité est majoritairement considéré dans nos rangs comme plutôt négatif que positif, a-t-il analysé.

Le Comité confédéral national (CCN), avait rejeté jeudi 3 février le traité constitutionnel européen, infligeant un désaveu à la direction, soucieuse de conserver une relative neutralité dans le débat.

Après en avoir débattu mardi 8 février, la commission exécutive a affirmé que la décision du CCN sur l'Europe constituait le bien commun de toute la CGT et qu'elle devait être relayée dans son intégralité.

La commission exécutive a confirmé la légitimité de Bernard Thibault et de la transformation réformiste qu'il incarne depuis son accession au secrétariat général en 1999.

Avec deux camps bien identifiés, celui des réformistes de Bernard Thibault et celui des conservateurs contestataires, les adhérents de la CGT, ses cadres et ses dirigeants ont désormais un an pour débattre avant le Congrès. Le résultat du référendum sur la Constitution renforcera l'un des deux courants. Le 48e Congrès avancé après la crise - Bernard Thibault veut relancer la démocratie interne et occuper le terrain -

S'appuyant sur une équipe qui semble s'être ressoudée autour de son secrétaire général, en pleine la tempête, Bernard Thibault compte poursuivre ses efforts pour émanciper davantage la CGT du politique. La direction n'entend pas non plus relâcher son action pour décloisonner des structures en vue d'élargir le champs de la démocratie interne, selon des sources syndicales.

Ces sujets seront au centre du Congrès de la CGT, prévu en février ou mars 2006, à une date anticipée de quelques mois. L'hypothèse d'un congrès extraordinaire a ainsi été écartée, la direction souhaitant désormais ne pas dramatiser sans pour autant minimiser les désaccords, selon l'expression de Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral.

Le leader de la CGT, désireux de donner à l'organisation des outils permettant de consulter tous les syndiqués, a indiqué que cet enjeu serait au centre prochain congrès. Son objectif : faire évoluer les structures, les modes de fonctionnement et de financement des organisations et réfléchir à la finalité de syndicat indépendant de la CGT.

M. Thibault juge également primordial de poursuivre le travail de mobilisation des salariés sur leurs revendications en matière d'emploi, de salaires et de temps de travail après les importantes manifestations unitaires de samedi.

Il a ainsi indiqué souhaiter débattre avec les autres confédérations d'une nouvelle journée d'action combinant arrêts de travail et manifestations dans les prochaines semaines, pour faire pièce à l'intransigeance gouvernementale et patronales. L'Europe divise les syndicats français

Durablement divisé, le mouvement syndical français apprécie différemment le traité constitutionnel européen. Alors qu'elles hésitaient à donner à leurs militants une consigne de vote pour le prochain référendum, la plupart des organisations sont aujourd'hui amenées à prendre position.

La crise déclenchée à la CGT témoigne des désaccords qui agitent les syndicats sur le sujet.

Même à la CFDT, qui s'est déclarée à une large majorité en faveur de la future Constitution en raison des progrès sociaux qu'elle permettra de réaliser, des adhérents ont décidé de militer contre le traité dans certaines régions ou dans certaines fédérations.

Très critique sur la construction européenne, Force ouvrière a choisi de tenir sa ligne d'indépendance syndicale et de ne pas donner de consigne de vote, comme il l'avait fait pour le traité de Maastricht en 1992 et lors du deuxième tour de l'élection présidentielle de 2002, alors que toutes les autres organisations appelaient à contrer le Front national.

A la FSU, en profond désaccord avec le projet, la question de savoir s'il faut ou non donner une consigne de vote fait toujours débat et sera reposée en avril.

A l'Unsa, globalement favorable au traité, la question de la consigne de vote pourrait être tranchée en congrès, en mars.

Quant à la CFTC, elle a choisi de dire clairement oui au progrès social, en jugeant que le traité proposé apporte un certain nombre d'avancées pour les salariés en matières sociale et économique.

En octobre, la Confédération européenne des syndicats (CES) a voté en faveur du traité, avec le soutien de la CFDT et de l'Unsa. La CGT et la CFTC s'étaient abstenues et FO avait voté contre.