Pression syndicale en Haïti pour les droits de l'homme

CFDT, 27 February 2004

La CFDT a participé à la délégation internationale venue demander la libération de 10 syndicalistes haïtiens.

Quarante-huit heures sous tension. Ou quand une délégation syndicale se rend en Haïti, un des pays les plus instables de la planète, en proie à une guerre civile larvée. Mission des onze syndicalistes (1), dont Thomas Gérard pour la CFDT : demander la libération d'une dizaine de leaders syndicaux haïtiens, emprisonnés depuis le 24 janvier pour avoir organisé une réunion… Chef d'inculpation : association de malfaiteurs et complot contre la sécurité intérieure de l'État. Peine encourue : les travaux forcés à perpétuité.

Orchestrée par la CISL et son organisation régionale pour les Amériques (Orit), la visite, qui s'est déroulée les 16 et 17 février, a permis, si ce n'est la libération des syndicalistes, de rappeler au pouvoir en place que le mouvement syndical international ne restait pas passif face à l'arbitraire. Un rappel utile dans un pays qui ne voit toujours pas d'issue à la longue série de dictatures qui ont occupé le pouvoir. L'actuel président-dictateur, Jean-Bertrand Aristide, ne se comporte pas autrement que son prédécesseur Duvalier. Les violations des droits de l'homme sont légions et les arrestations sans motif se multiplient. Les syndicats indépendants sont l'objet de pression incessantes, témoigne Thomas Gérard. Lors de la réunion que nous avons tenue avec eux, une mitraillette tirait à l'extérieur, histoire de nous faire comprendre que notre visite n'était pas la bienvenue.

Il en faudra plus, pourtant, pour impressionner les onze représentants internationaux emmenés par la CISL. Avec six journalistes étrangers, ils réussiront le tour de force d'entrer dans la prison et de tenir une mini-conférence de presse avec les syndicalistes détenus. Nous avons eu beaucoup de chance, le nouveau directeur nous a laissés entrer sans se rendre compte de ce qu'il faisait. Nous en avons profité, rapporte Thomas Gérard.

Faire pression sur le gouvernement. Dans sa lancée, la délégation organisera par la suite une réunion d'information avec neuf ambassadeurs, sous l'égide du représentant du Chili. L'occasion également d'interroger les États représentés sur les possibilités d'assistance et d'asile politique pour les syndicalistes persécutés. La rencontre avec le ministre de la Justice, quant à elle, sera cordiale, mais sans réels résultats, malgré ses engagements de libérer la seule femme que compte le groupe de prisonniers.

Difficile d'obtenir de vrais engagements de la part de ce gouvernement, rappelle Thomas Gérard, surtout dans le cadre de la situation quasi insurrectionnelle de l'île.

Les jours du gouvernement sont en effet comptés dans cette petite république des Caraïbes. Les rebelles tiennent aujourd'hui le nord du pays, dont la deuxième ville (Cap Haïtien). Et la prise de Port au Prince ne serait qu'une question de jours. La répression est du coup plus sensible encore. Lors d'une manifestation de près de 10 000 personnes dans les rues de la Capitale, le 20 février, en soutien aux 11 syndicalistes arrêtés, des milices du président ont attaqué le cortège. Bilan : une vingtaine de blessés, la plupart à coups de machette, que les forces para-gouvernementales sont allés intimider jusque sur leur lit d'hôpital.

Mais qu'un nouveau gouvernement prenne le relais en Haïti ne résoudra pas tous les problèmes. La société civile reste largement divisée et le mouvement syndical désuni. Même si un collectif, la Coordination syndicale haïtienne (CSH), s'est mis en place, regroupant certaines organisations représentatives de l'île. Il fait partie du groupe des 184 (qui rassemble des organisations de la société civile), lui-même membre, avec les partis d'opposition, de la plate-forme démocratique. Mais les rebelles armés, en passe de prendre le pays, leur laisseront-ils le pouvoir ? Rien de moins sûr.

La CFDT, avec la CGT, a adressé un courrier au ministre des affaires étrangères, demandant que la France joue un rôle moteur dans le règlement de la crise haïtienne (voir encadré).

(1) Représentants de la CISL, de l'Orit-CISL, des trois confédérations canadiennes, de la CFDT, du Congrès des travailleurs des Caraïbes et d' Uni America.